Histoire de Rohan

Nichée au coeur de la Bretagne, Rohan possède une riche histoire qui se reflète sur le charme de la commune.
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Aux origines de Rohan et des Rohan

La petite ville, et le château qui lui est associé, berceau du célèbre lignage éponyme, tire profit d’un réseau hydrographique assez dense, à la confluence entre l’Oust et l’un de ces petits affluents, qui prend sa source à Menesy, en Crédin. Ce réseau hydrographique est alimenté par deux sources, auprès desquelles on trouve des chapelles : la source Notre-Dame et la source Saint-Martin. Le relief est, à cet endroit, assez escarpé et il faut vraisemblablement voir dans cette situation l’origine du nom du bourg, Rohan venant du breton « Roc’han » qui signifie « petit rocher ». Ces éminences topographiques dominant des zones de confluence sont, de tout temps et en particulier au Moyen Âge, des lieux propices à l’installation de fortifications, comme c’est le cas à Rohan.

Un carrefour viaire ?

Rohan est le point de convergence de plusieurs routes. La première est une voie ouest-est, reliant Rohan à Noyal-Pontivy et à Pontivy ; cette route se poursuit de l’autre côté de l’Oust mais en bifurquant vers le sud-est, en direction de Bréhan puis de Josselin. Trois voies convergent vers le bourg depuis le nord : la première est une route permettant de passer par Gueltas, Saint-Gonnery, puis de regagner la grande route Loudéac-Pontivy ; la seconde passe par Saint-Samson, Saint-Maudan et rejoint Loudéac. Et enfin, la troisième est en direction de La Chèze. Ces voies multiples, desservant à leur tour d’autres villes-carrefours, font de Rohan un lieu important pour la distribution des circulations centre-bretonnes.

En outre, pour les périodes plus anciennes, les prospections archéologiques aériennes ont permis de considérablement renouveler nos connaissances du peuplement ancien dans les environs du bourg de Rohan. La plupart des structures repérées par l’archéologue ne se trouvent cependant pas dans la proximité immédiate de la ville. Pour la Protohistoire et l’Antiquité, les vestiges témoignent d’un habitat dispersé occupant plutôt les ruptures de pentes surplombant les vallées de l’Oust et de ses affluents. On peut ainsi citer un enclos comprenant deux aires distinctes avec une entrée orientale aménagée au Haut-Launay (Saint-Samson) dont la datation est incertaine et un enclos fermé en abside, au Tanio (Saint-Samson), assez typique de l’Âge du Fer. Les structures les plus complexes apparaissent sur la rive occidentale de l’Oust : on trouve ainsi un système d’enclos fossoyés complexe évocateurs de la Tène Finale au Cathelo et un groupement d’enclos de formes diverses délimités par des fossés, attribuables à l’Âge du Fer, au Bourg d’En-Haut (Saint-Gouvry). On voit également apparaître, au Champ Fablet, un enclos trapézoïdal associé à une voie, probablement antique, reconnue sur 650 m environ, allant vers la vallée de l’Oust. Ces vestiges se trouvent non loin d’un autre complexe antique notable : à Kerio, l’archéologue a observé, sur un petit plateau dominant l’Oust, un ensemble d’enclos emboîtés orthogonaux, prolongés au sud-ouest par des fossés. Ce type de plan est bien connu pour la période gallo-romaine et associe une cour interne domestique à une avant-cour périphérique. Les vestiges antiques connus aux abords de Rohan se localisent donc plus volontiers sur les coteaux à l’est de l’Oust et s’installent probablement le long d’une voie antique, voire à proximité d’un carrefour viaire.

Dans cette hypothèse, la localisation du bourg de Rohan serait stratégique : en plus d’être un point de franchissement sur l’Oust, le bourg bénéficierait d’une connexion à la voie Quimperlé Castennec-Rohan-La Chèze (via le Champ Fablet) et d’une liaison avec la voie antique Corseul-Vannes, dont le passage est également attestée dans ce secteur, peut-être par l’intermédiaire d’une voie secondaire Rohan-Lanouée, passant par le toponyme Maison Rouge, qui aurait conservé le souvenir de l’ancien tracé antique par la toponymie. Tout cela est sans compter la connexion avec Josselin, chef-lieu de la vicomté de Porhoët et berceau de la branche cadette rohannaise.

Ainsi, l’héritage des réseaux viaires protohistoriques et antiques, ainsi que la situation géopolitique locale propre au milieu du Moyen Âge pourrait expliquer l’installation d’un château à Rohan au début du XIIe siècle. Mais le réseau viaire seul ne suffit pas à expliquer la pérennité de l’occupation. Alors qu’il occupe les coteaux dominant la vallée, à partir du Haut Moyen Âge, l’habitat semble se regrouper et s’installer en fond de vallée, peut-être en s’agglomérant autour d’un centre paroissial, qui a vraisemblablement faciliter l’installation d’un nouveau pôle de peuplement à partir du XIIe siècle.

 

Un centre paroissial

L’érudit Pierre-Marie Martin suggère que la paroisse de Rohan serait issue d’un démembrement de la paroisse de Saint-Gouvry, elle-même issue de la paroisse primitive de Crédin. Quoiqu’il en soit, il faut constater, à partir des documents d’archives, que les mentions de Rohan ne sont pas antérieures aux années 1120. Et encore, pour cette période, Rohan désigne exclusivement le complexe castral et prioral mis en place par le vicomte éponyme. Par contre, Rohan et la paroisse de Crédin semblent alors effectivement étroitement liés. Ainsi, en 1129, Jacques, évêque de Vannes confirme la donation de l’église de Crédin, faite auparavant par Moisan, évêque de Vannes précédent, et la donation de la chapelle de Rohan faite par le vicomte Alain aux moines de Saint-Martin de Josselin.

Si le complexe castral et prioral d’Alain de Rohan vers 1120 constitue dès lors l’élément polarisant l’accroissement de l’agglomération, on peut se demander ce qu’il en est de la chapelle Saint-Gobrien. Un élément de réponse est peut-être à chercher dans un texte de 1292 collationné par Louis Rosenzweig. En effet, le 17 novembre 1292, Nicolas, prieur de Rohan et chanoine de l’abbaye Saint-Jean-des-Prés au diocèse de Saint-Malo (aujourd’hui commune de Guillac) affirme qu’il doit garantir et défendre à ses dépends les biens et dépenses d’Alain, vicomte de Rohan. La fin du texte précise les revenus de ce prieuré`et indique explicitement que les dîmes sont prélevées en accord avec le prieuré Saint-Martin, au château de Josselin (de Castro Joscelini). Il est intéressant de noter que cette abbaye se trouve à proximité de Josselin et fut fondée par les vicomtes de Porhoët. On peut se demander si le prieuré en question ne serait pas l’édifice que l’on retrouve plus tard sous le vocable de chapelle Saint-Gobrien. Dans ce cas, l’installation de ce prieuré dépendant de Saint-Jean-des-Prés pourrait avoir été une tentative, de la part des vicomtes de Porhoët, de contrecarrer les ambitions émancipatrice de leur cadet.

L’église Saint-Martin est cependant clairement le siège de la paroisse jusqu’au XVIIe siècle. L’édifice redevient chapelle en 1653. Dès 1646, l’église avait été restaurée, mais le centre paroissial est finalement transféré dans la chapelle Saint-Gobrien, autour de laquelle s’installe désormais le cimetière paroissial. Il faut dire que les recteurs de Rohan semblent avoir pris l’habitude d’y célébrer les messes dominicales, au moins depuis le début du XVIIe siècle.

La documentation d’archives se fait également l’écho d’un lien fort persistant entre les paroisses de Rohan et de Saint-Gouvry. En effet, les registres du diocèse de Vannes pour le XVIIe et le XVIIIe siècle (série G des Archives départementales du Morbihan) nous apprennent que les recteurs de Rohan bénéficient d’un presbytère à Saint-Gouvry. Par ailleurs, lorsqu’ils sont installés dans leur fonction, ces recteurs visitent les locaux qui leur sont attribués ; dans le cas du recteur de Rohan, on lui fait systématiquement visiter, l’église Saint-Gobrien, le presbytère, puis l’église Saint-Gouvry. Compte tenu de la proximité onomastique des deux dédicaces, on peut raisonnablement envisager que la chapelle puis église Saint-Gobrien de Rohan était une dépendance de l’église de Saint-Gouvry. Par ailleurs, les documents du XVIIIe siècle parlent bien de la paroisse de Rohan et Saint-Gouvry et non des paroisses de Rohan et Saint-Gouvry, comme si les deux entités n’avaient en réalité formé qu’une seule et unique paroisse.

Au total, on pourrait en conclure que l’installation du château de Rohan amène la densification d’un foyer de peuplement préexistant, dépendant de la paroisse de Saint-Gouvry, elle-même succursale et/ou démembrement de la paroisse de Crédin. Le bourg s’agrandissant au fur et à mesure du temps, les besoins dévotionnels deviennent plus importants et une organisation paroissiale se structure progressivement pour desservir spirituellement les Rohannais. Cependant, la situation demeure floue et il se pourrait que la création de la paroisse de Rohan soit une création de facto, n’ayant jamais fait l’objet d’une confirmation épiscopale. Ceci expliquerait les relations très étroites entre les deux paroisses et la présence du presbytère à Saint-Gouvry plutôt qu’à Rohan, jusqu’à une date relativement récente compte tenu de la chronologie abordée.

 

Une agglomération à l’ombre d’un château

Jusqu’à aujourd’hui, les historiens et les archéologues voient en Rohan une agglomération castrale, c’est-à-dire un pôle de peuplement impulsé par l’érection d’un château et dont la croissance est canalisée par le seigneur châtelain.

Cependant, l’analyse du cadastre de 1840 peut laisser envisager d’autres dynamiques de morphogénèse. Au sud du bourg, on trouve un lot de parcelles de grandes tailles ceignant le château (constitué d’une parcelle vaguement circulaire correspondant à la motte castrale et d’une parcelle allongée que l’on voit encore flanquée des vestiges d’une tour, à l’est) et l’ancien prieuré Saint-Martin (comprenant la chapelle du même vocable et le Bourg aux Moines). Au nord de la basse-cour du château se rangent une série de propriétés bâties (aujourd’hui rue du Pont d’Oust et rue Notre-Dame) et des parcelles de jardins formant un couloir correspondant au tracé des anciens fossés du château (dont la présence est encore attestée par le toponyme Rue des Douves). Au nord de l’ensemble castral, le bourg proprement dit se structure de manière concentrique autour de la Halle aux étoffes (aujourd’hui Place de la Mairie, où se trouvait autrefois l’auditoire seigneurial. Le seul élément qui permette de faire le lien entre le bourg et son château est la halle aux grains, construite à la fin du XVIIe siècle seulement. Cette disposition des lieux est très étonnante pour un bourg que les historiens et les archéologues considèrent volontiers comme une agglomération castrale, c’est-à-dire un foyer de peuplement dont l’origine est due à la présence d’un château. Dans ce cas de figure, l’agglomération se développe souvent à proximité de la porte principale du château (on ne sait pas avec certitude où elle se trouve dans le cas du château de Rohan), et de manière linéaire, le long de l’axe conduisant au château, comme c’est le cas pour Guémené-sur-Scorff. Or, l’étude du parcellaire rohannais donne bien l’impression que le bourg et le château sont déconnectés, et que le château est venu se juxtaposer à un foyer de peuplement préexistant, probablement centré autour de la chapelle Saint-Gobrien et au débouché du Pont d’Oust. C’est d’ailleurs probablement l’installation du château qui amène l’érection d’un nouveau pont (Pont Notre-Dame), sur lequel l’emprise seigneuriale s’affirme à la fin du Moyen Âge par la construction de la chapelle Notre-Dame de Bon Encontre.

En tout état de cause, il est plus que probable que le château de Rohan s’installe vers 1120-1124 à proximité d’un centre de peuplement préexistant, dont l’importance n’est pas quantifiable à l’heure actuelle. Ce peuplement initial s’était peut-être développé à proximité d’un carrefour de voies antiques ou altomédiévales et devait se structurer autour d’une paroisse dont le chef-lieu était Saint-Gouvry. Par la suite, le château polarise le centre de peuplement primitif et l’espace environnant et amène une progressive recomposition du paysage paroissial en amenant l’église principale à l’intérieur de l’agglomération castrale. Un phénomène similaire est connu pour d’autres territoires appartenant aux Rohan. C’est vraisemblablement le cas à La Chèze, démembrée de Plumieux, mais aussi entre Noyal [-Pontivy] et Pontivy, ou encore à Guémené-sur-Scorff. Le bourg de Guémené se structure, à une date à préciser, autour du château du lieu. Le château est doté d’une chapelle, qui devient église paroissiale au début du XVIe siècle et le bourg était originellement dépendant de la paroisse de Locmalo, dont Guémené était une trêve, avant de s’émanciper pour devenir une paroisse à part entière sous l’Ancien Régime.

On ne privilégie pas seulement un promontoire dominant une confluence, on tient compte du réseau viaire préexistant et probablement d’un pôle de peuplement voisin qui se retrouve, à terme, concurrencé par l’agglomération qui se développe autour du château. Rohan devient ainsi progressivement, dans la seconde moitié du Moyen Âge, un bourg-centre, c’est-à-dire un pôle de commandement politico-militaire, un carrefour de voies de circulation, un centre économique et, dans une moindre mesure sans doute, dévotionnel.

 

 

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